À propos du jeu : le jeu à visée thérapeutique

Une autre tendance consiste à utiliser le jeu pour accéder au monde intérieur de l’enfant. Cela implique l’analyse et l’interprétation du jeu.

Dans l’évolution de leur jeu, les enfants suivent un parcours commun : la manipulation, la construction, le faire-semblant sont les grandes lignes d’un cheminement universel. Il est essentiel de le connaître mais aussi de le comprendre afin d’éviter les raccourcis qui finissent par donner au jeu de l’enfant un sens qui ne lui correspond pas et le dénature.

Voici en version accélérée le développement du jeu chez un enfant dans les premières années de sa vie :

Tous les enfants commencent par manipuler. Ensuite, ils imitent des actes de la vie quotidienne comme porter la cuillère à la bouche en dehors des repas. Ils vont progressivement utiliser les objets selon un usage conventionnel : se peigner avec un peigne, se regarder dans un miroir. Cela évolue vers l’utilisation des objets comme partenaires : porter son attention sur une poupée. Viennent ensuite les premières actions décentrées : se coiffer, coiffer la poupée, donner le peigne à la poupée pour qu’elle se coiffe, utiliser autre chose qu’un peigne pour faire la même chose. Dans la continuité de cela, ils vont exécuter ces mêmes actions sur différents objets : coiffer la poupée, le nounours. Puis ils combinent des actions : la poupée se coiffe, coiffe le nounours, coiffe le nounours puis le couche. Arrive alors l’étape du projet, et cela continue car l’enfant peut déjà avoir fait tout ce parcours alors qu’il n’a que 2 ans et demi!

Au sein de ces étapes, l’enfant répond à plusieurs besoins, eux aussi universels. Certains de ces éléments sont issus de son développement physique : la préhension, l’exploration des mouvements et des distances, la marche. D’autres sont liés à l’évolution de ses capacités logiques : l’organisation de l’espace et du temps, les débuts de classements en expérimentant sur plusieurs objets les actions de taper, gratter etc jusqu’à individualiser les objets, repérer les identiques et les différents, les mettre en correspondance…Tout ce parcours se produit dans un contexte affectif qui passe par la fusion avec la mère, l’accordage affectif, l’individuation progressive, la prise en compte de la pensée de l’autre…

Ainsi, lorsqu’un enfant joue avec une poupée, cela peut être pour appréhender la matière (toucher, gratter le tissu, les cheveux), ou bien parce que c’est sa mère qui lui a fabriqué et que ce lien affectif le rassure, ou parce qu’il imite, ou parce qu’il commence à faire semblant, ou parce qu’il est en train de repérer les localisations et de voir si la poupée tient sur ou contre la chaise…. ou peut-être parce qu’il fait un peu tout cela en même temps?

Si, en tant qu’observateur, on réduit l’action de l’enfant à un seul de ces éléments, on fausse cette action. Si on la considère sous l’angle affectif, on passe à côté des besoins moteurs, visuels, logiques, du parcours vers l’accès au symbolique ; de même que si on la considère sous l’angle moteur uniquement, on nie tous les autres aspects qui existent pourtant.
En d’autres termes, l’enfant, et l’adulte plus tard, n’est pas un spécialiste du langage, de la psychologie, de la motricité ou de la logique, il est tout cela en même temps ; porter un regard de spécialiste sur lui, interpréter ses actions sous un angle particulier, fausse le sens de ses actions et de son évolution.

Ainsi, le jeu ne doit pas être réduit à un moyen d’accéder au monde intérieur de l’enfant, à ses émotions, préoccupations, à ce qu’il ne montre pas ou ne dit pas ; il est une occasion d’entrer en contact avec le monde réel, physique, intellectuel et affectif de l’enfant.